Santé et sécurité
La législation européenne implique qu’il existe des structures de représentation des travailleurs en matière de santé et de sécurité dans tous les pays de l’Union européenne. On constate cependant des différences dans l’organisation de cette représentation. Des représentants en santé et sécurité dotés de pouvoirs spécifiques associés à un comité conjoint employeurs/travailleurs forment la structure la plus fréquente, mais, dans certains pays, on ne trouve que l’un ou l’autre, tandis qu’ailleurs, c’est le comité d'entreprise en place qui joue le rôle principal dans ce domaine. Les modalités de nomination des représentants des travailleurs en matière de santé et de sécurité sont également variables : dans environ la moitié des pays, ils sont élus directement par le personnel, alors qu’ils sont désignés par les organes de représentation existants – syndicats ou comités d'entreprise – dans les autres États. Les seuils de nomination des représentants et de création des comités, de même que leurs attributions, diffèrent également selon les pays.
Aux termes de la Directive-cadre du Conseil 89/391 relative à la santé et à la sécurité au travail adoptée en 1989, tous les États membres doivent prendre les dispositions nécessaires pour que les travailleurs soient informés et consultés sur les questions de santé et de sécurité sur leur lieu de travail et puissent formuler des propositions d’amélioration et de changement. La consultation peut se faire auprès des représentants des travailleurs et non des travailleurs eux-mêmes. La directive stipule clairement que ces représentants doivent bénéficier de droits et de protections appropriés.
Du fait de l’existence de ce cadre législatif européen, certains aspects de la représentation des travailleurs en matière de santé et de sécurité sont partagés par tous les pays membres de l'UE. Mais il existe aussi de nombreuses différences, qui reflètent les développements nationaux dans ce domaine – beaucoup de pays avaient déjà légiféré depuis de nombreuses années sur le sujet avant la directive de 1989 – et les structures nationales de représentation des travailleurs de manière générale.
Structures de représentation
Les modes de représentation des travailleurs en matière de santé et de sécurité peuvent être classés en quatre grandes catégories, bien que les spécificités nationales de chaque système rendent parfois imprécises les frontières entre ces catégories.
Le modèle le plus courant est une combinaison de représentants en santé et sécurité, élus ou désignés selon d’autres modalités, qui jouissent de droits spécifiques, et d’un comité conjoint de santé et de sécurité employeurs/travailleurs, généralement dans les plus grands établissements. Les membres du comité conjoint sont généralement, d’une part, les représentants des travailleurs en matière de santé et de sécurité, et d’autre part, l'employeur (ou un représentant), les professionnels de santé et de sécurité engagés par l’entreprise (médecin du travail, expert de la sécurité, etc.) et, dans certains cas, d’autres cadres.
Ce modèle est utilisé dans 13 pays (Croatie, Chypre, Estonie, Finlande, Hongrie, Irlande, Pologne, Portugal, Roumanie, Slovaquie, Espagne, Suède et Royaume-Uni), avec toutefois quelques variations importantes. En Hongrie, par exemple, un comité composé uniquement de représentants des travailleurs en santé et sécurité peut également être institué. Au Portugal, un comité conjoint de santé et de sécurité employeurs/travailleurs ne peut être créé que si cela est prévu par une convention collective. En Irlande et au Royaume-Uni, les représentants des travailleurs doivent en faire la demande. De plus, au Royaume-Uni, les dispositions ne sont pas les mêmes dans les établissements où il y a une présence syndicale ou non ; dans les établissements dépourvus de présence syndicale, c’est l’employeur qui décide si des représentants doivent être nommés et ces derniers ne sont pas habilités à demander qu’un comité conjoint soit mis en place. En Pologne, la représentation repose sur un comité conjoint et des représentants élus des travailleurs en matière de santé et de sécurité, mais ces derniers ne peuvent être nommés qu'en présence d’un syndicat.
Dans un deuxième modèle de représentation des travailleurs en matière de santé et de sécurité, des représentants des travailleurs siègent à un comité conjoint de santé et de sécurité employeurs/travailleurs et il n’y a pas de représentants distincts jouissant de droits spécifiques. Cinq pays font partie de cette catégorie (Belgique, Bulgarie, Danemark, France et Lituanie). En Belgique et en France, un autre organe existant – le syndicat en Belgique et les délégués du personnel en France – assume des fonctions en matière de santé et de sécurité quand les effectifs sont insuffisants pour permettre la création d’un comité conjoint.
Troisième variante : la structure de représentation comprend uniquement des représentants des travailleurs en matière de santé et de sécurité, sans comité conjoint employeurs/travailleurs. Cinq pays ont adopté ce modèle : République tchèque (voir précisions ci-dessous), Grèce, Italie, Lettonie et Malte. Néanmoins, un comité composé seulement de représentants des travailleurs est également créé dans les grandes entreprises en Grèce et en Lettonie. Bien qu’il n’existe pas de comité conjoint proprement dit dans ces pays, la législation prévoit des réunions régulières entre l’employeur et les représentants des travailleurs en santé et sécurité dans deux d’entre eux - une fois par trimestre en Grèce et une fois par an en Italie.
La République tchèque appartient à cette catégorie en ce sens qu’il n’y a pas de comité conjoint de santé et de sécurité employeurs/travailleurs. En vertu de la législation tchèque, la représentation des travailleurs en matière de santé et de sécurité peut toutefois reposer soit sur des représentants élus, soit sur l’organisation syndicale présente sur le lieu de travail. Ce sont les travailleurs qui décident d’élire des représentants – un tiers des effectifs doit en faire la demande - et la représentation syndicale en santé et sécurité peut coexister avec des représentants élus dans le même établissement, même si leurs pouvoirs sont légèrement différents.
Dans le cadre du dernier modèle, les questions de santé et de sécurité sont principalement traitées par le comité d'entreprise ou un sous-comité du comité d'entreprise. Cette catégorie comprend cinq pays (Autriche, Allemagne, Luxembourg, Pays-Bas et Slovénie), avec des différences importantes. Aux Pays-Bas et en Slovénie, la représentation est assumée uniquement par le comité d'entreprise et, dans certains cas, un sous-comité. En Autriche et en Allemagne, on trouve en plus un comité conjoint de santé et de sécurité employeurs/travailleurs et des travailleurs exerçant des responsabilités spécifiques dans le domaine. Ce ne sont pas des spécialistes, mais des travailleurs auxquels leurs collègues ont accordé leur confiance. Enfin, au Luxembourg, seul pays de cette catégorie où le comité d'entreprise n’est pas composé uniquement de travailleurs, un représentant des travailleurs est également chargé de missions en matière de santé et de sécurité et les délégués du personnel en place jouent, eux aussi, un rôle sur ce plan.
Méthodes de nomination
Non seulement les structures, mais aussi les modalités de nomination des représentants des travailleurs en matière de santé et de sécurité varient d’un pays à l’autre. Dans 14 pays (Belgique, Bulgarie, Croatie, Chypre, Danemark, Estonie, Finlande, France, Hongrie, Grèce, Lettonie, Lituanie, Portugal et Roumanie), ils sont élus par le personnel. En Irlande et à Malte, ils sont désignés par le personnel, mais la législation n’impose pas que ce soit dans le cadre d’une élection (à Malte, l’employeur les nomme si le personnel ne se prononce pas).
En Suède et au Royaume-Uni, les représentants en santé et sécurité sont désignés par le syndicat. En l’absence de syndicat, ils sont élus par l’ensemble du personnel - seulement si l’employeur en décide ainsi au Royaume-Uni. En Italie, ils sont élus dans les petites entreprises et nommés par la structure syndicale dans les grandes entreprises. En Slovaquie, c’est le syndicat ou le comité d'entreprise qui fait des recommandations. S’il n'y a pas de syndicat ou de comité d'entreprise, les représentants sont élus. En République tchèque, le syndicat choisit les représentants, mais le personnel peut aussi élire des représentants s’il le souhaite. En Pologne, les représentants des travailleurs au sein du comité conjoint sont désignés par le syndicat ou élus s’il n'y en a pas, mais les représentants en santé et sécurité, qui ne peuvent être nommés qu’en présence d’un syndicat, sont élus par l’ensemble du personnel.
Au Luxembourg et en Espagne, les représentants des travailleurs en place désignent les représentants en santé et sécurité. En Autriche et en Allemagne, ce sont également eux qui nomment les représentants des travailleurs au comité conjoint. Dans ces deux pays, les travailleurs exerçant des responsabilités en matière de santé et de sécurité sont en revanche désignés par l'employeur. En Autriche, le comité d'entreprise doit accepter les nominations, tandis qu'en Allemagne, il doit simplement en être informé, l’employeur prenant la décision finale.
Enfin, aux Pays-Bas et en Slovénie, le comité d'entreprise désigne les membres du sous-comité, s’il existe, et y est représenté en majorité.
Le tableau suivant propose une brève description de la situation prévalant dans chaque pays. Pour des informations plus complètes, veuillez vous reporter aux rapports sur les différents pays.
Pays |
Principale forme de représentation |
Modalités de nomination des représentants des travailleurs |
Autriche |
Comité d'entreprise plus comité conjoint de santé et de sécurité et travailleurs exerçant des responsabilités en matière de santé et de sécurité |
Le comité d'entreprise est élu ; représentants du comité d'entreprise au comité de santé et de sécurité ; les travailleurs sont nommés par l’employeur avec l’accord du comité d'entreprise |
Belgique |
Comité conjoint de santé et de sécurité |
Élection |
Bulgarie |
Comité conjoint/Groupe de santé et de sécurité |
Élection |
Croatie |
Représentants en santé et sécurité et comité conjoint |
Élection |
Chypre |
Représentants en santé et sécurité et comité conjoint |
Élection |
République tchèque |
Structures syndicales et/ou représentants en santé et sécurité |
Les syndicats font leur choix ; les représentants en santé et sécurité sont élus |
Danemark |
Comité conjoint/Groupe de santé et de sécurité |
Élection |
Estonie |
Représentants en santé et sécurité et comité conjoint |
Élection |
Finlande |
Représentants en santé et sécurité et comité conjoint |
Élection |
France |
Comité conjoint de santé et de sécurité |
Élection |
Allemagne |
Comité d'entreprise plus comité conjoint de santé et de sécurité et travailleurs exerçant des responsabilités en matière de santé et de sécurité |
Le comité d'entreprise est élu ; représentants du comité d'entreprise au comité de santé et de sécurité ; les travailleurs sont nommés par l’employeur |
Grèce |
Représentants en santé et sécurité et comité composé uniquement de travailleurs |
Élection |
Hongrie |
Représentants en santé et sécurité plus comité composé uniquement de travailleurs et comité conjoint |
Élection |
Irlande |
Représentants en santé et sécurité et comité conjoint |
Nomination par le personnel |
Italie |
Représentants en santé et sécurité |
Élection par le personnel dans les petites entreprises ; nomination par les structures syndicales dans les grandes entreprises |
Lettonie |
Représentants en santé et sécurité et comité composé uniquement de travailleurs |
Élection |
Lituanie |
Comité conjoint de santé et de sécurité |
Élection |
Luxembourg |
Comité d'entreprise (délégués du personnel dans les petites entreprises) plus représentants en santé et sécurité |
Le comité d'entreprise et les délégués du personnel sont élus ; les représentants en santé et sécurité sont nommés par les délégués du personnel |
Malte |
Représentants en santé et sécurité |
Nomination par le personnel ou par l’employeur si le personnel ne se prononce pas |
Pays-Bas |
Comité d'entreprise plus sous-comité composé uniquement de travailleurs |
Le comité d'entreprise est élu ; les membres du sous-comité sont nommés par le comité d'entreprise |
Pologne |
Comité conjoint de santé et de sécurité plus représentants en santé et sécurité dans les établissements où il y a une présence syndicale |
Les membres du comité sont désignés par le syndicat ou élus s’il n’y a pas de syndicat ; les représentants en santé et sécurité sont élus par le personnel |
Portugal |
Représentants en santé et sécurité et comité conjoint (si cela est prévu par une convention collective) |
Élection |
Roumanie |
Représentants en santé et sécurité et comité conjoint |
Élection |
Slovaquie |
Représentants en santé et sécurité et comité conjoint |
Nomination sur recommandation du syndicat ou du comité d'entreprise ; élection en l’absence de syndicat ou de comité d'entreprise |
Slovénie |
Comité d'entreprise plus sous-comité composé uniquement de travailleurs ; représentants en santé et sécurité en l’absence de comité d'entreprise |
Le comité d'entreprise est élu ; les membres du sous-comité sont nommés par le comité d'entreprise ; les représentants en santé et sécurité (s’il n’y a pas de comité d'entreprise) sont élus |
Espagne |
Représentants en santé et sécurité et comité conjoint |
Nomination par et parmi les représentants des travailleurs en place ; s’il n’y en a pas, élection directe |
Suède |
Représentants en santé et sécurité et comité conjoint |
Nomination par le syndicat ; s’il n’y en a pas, élection |
Royaume-Uni |
Représentants en santé et sécurité et comité conjoint, mais, en l’absence de syndicat, ils ont moins de pouvoirs et il n’y a pas de comité conjoint |
Nomination par le syndicat ; s’il n’y en a pas, élection si l’employeur décide que des représentants doivent être nommés |
Seuils d’effectifs
Les seuils d’effectifs à partir desquels un représentant en santé et sécurité doit être nommé et un comité de santé et de sécurité doit être créé varient également selon les pays (voir tableau).
Parmi les 20 pays où des représentants du personnel ou des travailleurs exerçant des responsabilités dans le domaine de la santé et de la sécurité sont nommés, sept ne fixent aucun seuil d’effectifs, la présence d’un syndicat étant toutefois nécessaire en Pologne. Dans les autres États, le seuil le plus courant est de 10 : il s’applique dans cinq pays soit dans la législation, soit dans la pratique, l’Autriche s'en rapprochant avec un seuil de 11. Il s’élève à cinq à Chypre, en Lettonie et en Suède, à six en Espagne, à 15 au Luxembourg, à 20 en Croatie et à 50 en Hongrie. En Allemagne, il est aussi de 20, mais les travailleurs nommés ne sont pas des représentants.
Les seuils de création d’un comité conjoint de santé et de sécurité varient moins fortement dans les 19 pays où cette structure existe. Le seuil le plus fréquent est de 50 travailleurs. On le rencontre dans dix pays. Il est de 10 à Chypre et au Danemark, contre 20 en Finlande et en Allemagne. À l’autre bout de l'échelle, il n’est obligatoire d’instituer un comité conjoint de santé et de sécurité qu’à partir de 100 travailleurs en Slovaquie et en Autriche (250 dans les bureaux) et 250 en Pologne. Aucun seuil n’est fixé en Irlande, au Portugal et au Royaume-Uni.
Dans les deux pays où les comités de santé et de sécurité sont composés uniquement de travailleurs, le seuil est de 50 travailleurs en Grèce et de 10 représentants des travailleurs en matière de santé et de sécurité en Lettonie.
Pays |
Seuil de nomination d’un représentant |
Seuil de création d’un comité |
Autriche |
11 |
100 (250 dans les bureaux) |
Belgique |
50 |
|
Bulgarie |
Aucun pour le groupe (50 pour le comité) |
|
Croatie |
20 |
50 |
Chypre |
5 |
10 |
République tchèque |
10 ou syndicat |
|
Danemark |
10 (35 pour la structure à deux niveaux) |
|
Estonie |
10 |
50 |
Finlande |
10 |
20 |
France |
50 |
|
Allemagne |
20 – mais ce ne sont pas des représentants |
20 |
Grèce |
Aucun |
50 (travailleurs uniquement) |
Hongrie |
50 |
50 |
Irlande |
Aucun |
Non précisé |
Italie |
Aucun |
|
Lettonie |
5 |
|
Lituanie |
50 |
|
Luxembourg |
15 |
|
Malte |
10 – dans la pratique |
|
Pays-Bas |
Uniquement par le comité d'entreprise |
|
Pologne |
Uniquement en présence d’un syndicat |
250 |
Portugal |
Aucun |
Non précisé |
Roumanie |
10 |
50 |
Slovaquie |
Aucun |
100 |
Slovénie |
Uniquement par le comité d'entreprise |
|
Espagne |
6 |
50 |
Suède |
5 |
50 |
Royaume-Uni |
Aucun |
Non précisé |
Autres différences
Dans la grande majorité des pays, les représentants en santé et sécurité représentent uniquement les établissements ou les entreprises dans lesquels ils sont employés. Les deux principales exceptions sont l’Italie, où un délégué territorial à la sécurité peut être nommé pour représenter les entreprises ne disposant pas d’un délégué à la sécurité, et la Suède, où des délégués territoriaux pour la sécurité peuvent coexister avec les délégués pour la sécurité présents sur le lieu de travail dans les établissements employant moins de 50 personnes.
Les dispositions de la directive européenne entraînent une grande uniformité des droits et obligations des représentants des travailleurs en santé et sécurité et des comités de santé et de sécurité, mais on note aussi quelques différences.
L’un des points les plus importants est le droit de demander un arrêt du travail au-delà des prescriptions édictées par la directive, qui stipule que les travailleurs ne doivent subir aucun préjudice si, face à un danger « grave et immédiat » les menaçant eux-mêmes et/ou d’autres personnes, ils prennent les mesures nécessaires pour l'éviter.
Les pays leur accordant clairement des droits plus larges sont le Danemark (où le groupe conjoint de sécurité peut demander un arrêt du travail), l’Estonie, la Finlande, la Pologne, l’Espagne (où ce sont les structures de représentation des travailleurs existantes qui possèdent ce droit) et la Suède.
Vous trouverez dans les rapports sur les pays des informations plus détaillées sur les droits et obligations des représentants des travailleurs en santé et sécurité et des comités de santé et de sécurité, leurs droits en matière de temps de détachement et la protection contre le licenciement dont ils bénéficient.
L. Fulton (2013) La représentation des travailleurs en matière de santé et de sécurité en Europe. Labour Research Department et ETUI (publication électronique, disponible sur http://fr.worker-participation.eu)